Une exposition militante sur l’état du Pantanal au Brésil
Plus grande zone humide de la planète, le Pantanal est une région méconnue du grand public, nichée au cœur de l’Amérique du Sud, au sud de la forêt amazonienne. Un havre de biodiversité bouleversé par l’accélération du réchauffement climatique, une mauvaise gestion des pratiques agricoles et des cours d’eau ainsi que par l’exploitation de mines d’or.
A travers la mission photographique « Au nom de la biodiversité » initiée par la Fondation Yves Rocher, le photojournaliste Brent Stirton nous donne à voir à la fois un panorama des problèmes qui accablent cet éden terrestre mais également les solutions que certains essayent de mettre en œuvre pour préserver cet écosystème.
Plus grande zone humide de la planète
Une mer intérieure en plein cœur du Brésil
Les premiers écrits des explorateurs mentionnent le Pantanal sous le nom de « mer de Xararès ». En arrivant sur les rives de la plus grande zone humide de la planète au XVIe siècle, les Européens pensent trouver le début d’un océan intérieur sur le continent sud-américain. Ils le baptisent Pantanal, du nom de l’une des tribus qu’ils rencontrent dans la région. En réalité, c’est une la plus grande zone humide de la planète, qui s’étend devant eux sur plus de 200 000 km², l’équivalent de la superficie totale du Sénégal.
Pour comprendre le Pantanal, il faut le voir respirer.
On le fait en prenant de la hauteur grâce aux images des satellites. Très aride en saison sèche avec ces dédales de vallons désertiques jalonnés par de rares points d’eau attirant la faune locale, la région se transforme en une véritable tourbière, avec un entrelacs de rivières et d’étendues d’eau bordées par une végétation luxuriante. Depuis le ciel, c’est un gigantesque territoire qui se gorge et se vide d’eau, encore et encore, au fil des ans et ce depuis des millénaires. Aucune route ne peut donc traverser le Pantanal. A l’exception de la Transpantaneira, qui permet de rejoindre Porto Jofre depuis Poconé : 147 kilomètres de long et… 125 ponts de bois.
Un éden terrestre véritablement menacé
Des feux de forêts dévastateurs
Peu connu du grand public, le Pantanal a fait la Une des journaux lorsqu’en 2020 des incendies d’une ampleur inédite l’ont ravagé, emportant dans leurs flammes des millions d’animaux. S’ils sont spectaculaires, les incendies ne sont pas la cause du dérèglement de l’écosystème de la zone, mais une conséquence. Il y a, évidemment, l’accélération du réchauffement climatique provoqué par l’activité humaine. Mais au-delà de cette perturbation, d’autres phénomènes sont venus fragiliser ce territoire d’une importance écologique cruciale, interconnecté avec la forêt amazonienne, la forêt atlantique et la savane du Cerrado. Depuis les années 1980, le Pantanal a déjà perdu 29% de sa superficie originale.
Une déforestation sans fin
La déforestation massive en forêt amazonienne est un fléau qui modifie en profondeur le cycle de l’eau et perturbe la formation des « rivières volantes » alimentant le Pantanal. En effet, la majorité de l’humidité qui nourrit les cours d’eau de cette zone humide y arrive par les airs et provoque d’importantes pluies sur l’ensemble de la région. Alors, au fur et à mesure que la forêt amazonienne est abattue, l’évaporation d’humidité disponible pour ces précipitations diminue drastiquement.
Une fragilité victime de l’agriculture
Le cœur du problème réside dans la principale activité économique de cette partie du Brésil : l’agriculture. L’une des originalités du Pantanal est que 93% de sa surface est composée de propriétés privées. Un morcellement qui en fait une aire beaucoup plus complexe à protéger et à réglementer que celle d’un parc naturel ou d’une réserve uniforme. Le Brésil est l’un des plus gros producteurs et exportateurs de nombreuses denrées alimentaires. Notamment de soja et de bœuf. Et si la vaste majorité du Pantanal est aujourd’hui vierge de toute présence humaine, les fermes et les ranchs grignotent de plus en plus d’espace – et exercent une pression considérable sur les ressources naturelles, comme les cours d’eau et la végétation.
L’impact humain encore trop fort
Une pression qui n’est pas prête de diminuer puisqu’en 2022, le gouvernement de l’état du Mato Grosso votait une loi disposant d’un assouplissement des régulations pour les fermes. C’est l’intensité des cultures, et leurs tailles, qui sont en cause, sans oublier le développement de nouvelles pratiques qui ont profondément participé à bouleverser la région. Comme les voies d’eau artificielles creusées pour alimenter les rizières et les plantations de soja. Officiellement, elles sont illégales dans l’enceinte du Pantanal. Mais comme l’enquête menée par nos soins le montre grâce aux photos de Brent Stirton, des propriétaires profitent d’un vide législatif leur permettant de les maintenir aux frontières officielles de la zone humide.
Un refuge pour le monde animal
Le Pantanal, un trésor de biodiversité
La plupart des sources s’accordent à estimer le nombre d’espèces présentes dans le Pantanal à plus de 4 700 différentes – ce qui en fait l’un des écosystèmes les plus diversifiés de la planète, hébergé dans la plus grande zone humide de la planète. En raison de sa situation géographique, et son rôle de corridor naturel entre plusieurs autres biomes, il n’y a pratiquement pas d’espèces endémiques au Pantanal.
On y dénombre cependant près de 160 mammifères dont le mythique Jaguar, le seul représentant de la famille des Panthera sur les continents américains.
Et puis il y a aussi le Jabiru d’Amérique, un grand échassier de la famille des cigognes qui se démarque par une grande marque rouge sous son cou noir. Paradis des ornithologues, c’est aussi le dernier sanctuaire des Aras hyacinthe, le perroquet le plus rare dans le monde à l’état sauvage avec moins de 3 000 spécimens.
Pour les reptiles, le Pantanal n’a pas de crocodiles ni d’alligators, mais des caïmans. Quelles différences entre les trois espèces ? Tous appartiennent à l’ordre des crocodiliens, mais le crocodile est de la sous-famille des Crocodilidées alors que les deux autres sont de celle des Alligatoridés. Le Pantanal a l’une des plus grosses populations au monde de ces reptiles, avec 10 millions de spécimens. En septembre 2022, une vidéo montrant des milliers de caïmans sur une plage affolait Internet – alors qu’elle ne fait que montrer une scène tout à fait normale pour cette région.
Qui est Brent Stirton ? Quel est son parcours ? Découvrez son portrait !