Lauréat 2020 du Prix Photo Fondation Yves Rocher – Visa pour l’Image, Mathias est un photoreporter français dont l’approche documentaire est fondée sur l’immersion au sein de sujets révélant d'importantes questions socio-économiques et politiques dans des territoires sous tension. Son objectif avec « Gold Rivers - The Land in Between » : susciter une prise de conscience concernant une future crise de l'eau sur les fleuves mythiques de la Mésopotamie, avant qu’il ne soit trop tard et que la région ne sombre dans une nouvelle guerre.
Immersion dans la gestion des eaux du bassin moyen-oriental
Le projet de Mathias Depardon se concentre sur l’appauvrissement des eaux du Tigre et de l’Euphrate et évoque ainsi les conséquences d’une « guerre de l’eau » en gestation dans une région déjà marquée par la guerre et les violences. Une partie importante a déjà été réalisée au cours de ces sept dernières années en Turquie et en Irak où le photoreporter a exploré les barrages hydroélectriques situés sur ces cours d’eau.
Désormais, il voudrait documenter les conséquences écologiques, sociales et politiques de la gestion régionale des eaux du bassin moyen-oriental : assèchement des terres, déplacements de population, pénuries d’eau. Il souhaiterait aussi montrer comment ces deux fleuves irriguent une terre pétrie de traditions et d’histoire.
Au cœur de la Mésopotamie, entre les fleuves
Le Tigre et l’Euphrate, les deux grands bassins fluviaux qui arrosent une bonne partie du Moyen-Orient, sont deux fleuves en voie rapide d’assèchement. L’Euphrate prend sa source sur le haut-plateau arménien, au Nord-Est de la Turquie actuelle et traverse la Syrie, Raqqa, Deir-ez-Zor (territoires occupés pendant trois ans par l’organisation Etat islamique) avant de descendre vers l’Irak. Il y rejoint le Tigre, venu de Diyarbakir, Mossoul et Bagdad, et plonge avec lui dans le Golfe persique.
Le point de rencontre des deux fleuves mythiques se fait dans le Chatt-al-Arab, les marais du sud de l’Irak et son écosystème unique, qui ont été inscrits en 2016 sur la liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO.
![Abou Haider chasse dans les marais du centre. En 2016, les marais ont été inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Mais la biosphère unique de la région, sa culture ancestrale et son équilibre économique - qui repose sur la pêche, l'élevage de buffles et la coupe et la cueillette de roseaux - sont, une fois encore, menacés de disparition. Irak](https://www.yves-rocher-fondation.org/wp-content/uploads/mathias_depardon-11.jpg)
![Une femme récolte des roseaux dans les marécages du marais de Hammar. Après avoir découpé les roseaux, les tiges sont regroupées en fagots de 1, 20 mètre de longueur. Les secouer et les brosser permet de les débarrasser des résidus de feuilles et de plantes, mais aussi des tiges trop courtes. Marais du centre. Irak](https://www.yves-rocher-fondation.org/wp-content/uploads/mathias_depardon-9.jpg)
![Des hommes pêchent sur un petit affluent du Shatt al-Arab à Bassora. La ville est située entre le Koweït et l'Iran, dans le sud de l'Irak. Bassora est surnommée la Venise de l'Est. Les eaux autrefois limpides de Bassora sont désormais impropres à la consommation et fétides. Irak](https://www.yves-rocher-fondation.org/wp-content/uploads/mathias_depardon-18.jpg)
![À Bassora, deuxième ville du pays, la qualité de l'eau pour les trois millions d'habitants est tout aussi mauvaise. « On ne peut plus la donner au bétail, on ne peut pas non plus s'y laver sans tomber malade. Plus de 100 000 personnes se sont retrouvées à l'hôpital, empoisonnées », assure Hashim, un habitant d'Al-Tannuma, quartier populaire situé sur la rive orientale du Shatt al-Arab. Des jeunes nagent dans le Shatt al-Arab à Bassora. Irak](https://www.yves-rocher-fondation.org/wp-content/uploads/mathias_depardon-20-1.jpg)
![](https://www.yves-rocher-fondation.org/wp-content/uploads/mathias_depardon-11-293x293.jpg)
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![candidater prix photo fondation yves rocher visa pour l'image perpignan](https://www.yves-rocher-fondation.org/wp-content/uploads/mathias_depardon-18-293x293.jpg)
![Prix photo visa pour l'image Fondation Yves Rocher Mathias Depardon crise de l'eau Turquie Irak](https://www.yves-rocher-fondation.org/wp-content/uploads/mathias_depardon-20-1-293x293.jpg)
L’asséchement des fleuves, un danger pour la population locale
Aujourd’hui, les plus grandes zones humides du Moyen-Orient sont en train de disparaître. Dans la ville de Chibayish, au milieu des terres humides, l’agriculture fait vivre 60,000 personnes.
Les deux cours d’eau occupent une place centrale dans la vie quotidienne de millions de personnes, ils ont fondé ces régions de plus de 10 000 ans d’Histoire, où fut inventée l’écriture et qui abritent un patrimoine mondial inestimable. La Mésopotamie, littéralement, « entre les fleuves », est le berceau de nombreuses civilisations. D’Alexandre le Grand à Marco Polo, elle a fasciné tous les grands voyageurs.
Un risque, l’éclatement d’une guerre de l’eau au Moyen Orient
Depuis que les deux fleuves sont menacés par l’assèchement, les journalistes et les analystes prédisent l’éclatement d’une guerre de l’eau au Moyen-Orient.
Cette crise n’est pas seulement l’effet du changement climatique ; elle est avant tout causée par la rétention des eaux des fleuves par la Turquie.
Ankara a bâti de nombreux barrages dans le sud-est turc, à dominante kurde, dans le cadre du projet GAP (Projet d’Anatolie du sud-est). Le GAP doit, à terme, irriguer 1,7 million d’hectares de terres arides à partir de 22 barrages sur le Tigre et l’Euphrate.
Par le passé, l’eau a souvent été utilisée par la Turquie comme levier politique contre ses voisins du Sud.
En l’absence d’accord formel avec l’Irak et la Syrie, la construction de ce barrage est considérée comme une violation du droit international.
Le recours aux grands barrages est aussi l’affirmation d’une puissance politique et d’une volonté de domination d’un territoire : la Turquie a redessiné l’Anatolie et notamment les régions kurdes où sévit la guérilla du PKK.
D’ici 2025, le débit de l’Euphrate pourrait diminuer de huit fois par rapport à l’année 2011. En 2040, les deux fleuves de la Mésopotamie pourraient ne plus arriver jusqu’à la mer, dans le Golfe persique. Or, la stabilité économique à long terme de l’Irak dépend en partie de l’eau, afin de pouvoir réduire ses importations agricoles et relancer son industrie. Selon la Banque Mondiale, 15% de la population n’auraient pas accès à une source d’eau potable.
Plus que tout, l’Irak a besoin de paix et le stress hydrique pourrait faire basculer le pays dans une autre guerre. Ou prolonger l’actuelle. – Mathias Depardon
À Mossoul, libérée de Daech mais détruite, le barrage sur le Tigre a durement souffert.
L’Etat islamique a très vite ciblé les barrages stratégiques et son territoire s’est étendu en suivant le cours des fleuves.
Comme mentionné, les dommages causés sur ces deux rivières sont largement politiques et donc loin d’être irréversibles. – Mathias Depardon
Afin de mener à bien son projet, Mathias Depardon doit se rendre à nouveau en Irak, longer le Tigre de la frontière turco-irakienne à Bagdad en passant par la ville libérée et dévastée de
Mossoul. Il souhaiterait mettre en lumière les difficultés rencontrées par les habitants de cette ville dans une période de reconstruction post conflit mais également documenter le barrage de Mossoul qui est une fois de plus sur le point de s’effondrer. Effectivement, les conséquences pourraient être catastrophiques. Un tel déluge pourrait inonder la capitale irakienne Bagdad, à 400 kilomètres plus au sud. Au total, cela pourrait affecter jusqu’à 1,5 million de personnes.
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Découvrez les travaux de Mathias Depardon sur son site web : mathiasdepardon.com